Première soirée de défilé des écoles de samba du Groupe spécial
Succès total pour les sept Écoles de Samba qui se sont présentées
Entre 21h20 et 05h00, la Sirène a retenti sept fois dans l´Avenue Sapucai, sambodrome de Rio de Janeiro.
A la première sirène, le coeur des deux mille participants de l´École de samba« Estácio de Sá »bat un peu plus vite. La sueur prend possession des visages maquillés et des têtes recouvertes des plus extravagants et superbes couvre-chefs. Une femme, lourdement vêtue de pierres précieuses et de diamants, tremble un peu – le trac sûrement – et boit rapidement une gorgée d´eau de la bouteille offerte par son voisin. 21h30 : Les 250 percusionnistes de l´École se mettent en action. Les jambes, les bras, les corps guident désormais les danseurs-acteurs de la première École de cette soirée.
Place au chant, place à la Samba ! Le public frémit, le carnaval est là !
Cette École et « Paraíso do Tuiuti » seront les seules à ne pas traiter de religiosité et de critique sociale, thèmes centraux des défilés de cette soirée. La premièrea rappelé, par le thème « Pierre », la richesse des sols brésiliens qui fut exploitée – exagérément – par les colons européens. Un thème développé par la Carnavalesque (metteuse en scène de l´École) Rosa Magalhães qui fêtait ses 50 ans de présence au carnaval (et qui a pris part au défilé, discrètement, comme à son habitude). La seconde nous a plongé entre le Sacré et l´enchantement, entrecroisant la vie du Saint Sébastien et de celle du Roi portugais Saint Sébastien (São Sebastião).
Comment vivre en harmonie et dans le respect au sein d´un pays qui compte des dizaines de religions, des millions de personnes à la limite ou en-dessous du seuil de pauvreté et des millions d´individus discriminés du fait de leurs options de vie ou leurs origines? Cinq Écoles ont traité de ces thèmes, avec profondeur mais aussi allégresse (le carnaval n´est-il pas cet instant où l´on exprime ses douleurs et ses peines dans la joie ?!)
« Unidos do Viradouro » a remémoré les luttes anciennes et actuelles des femmes noires « Ganhadeiras » du quartier Itapuã de Salvador de Bahia.
« Mangueira », une des plus fameuses Écoles de samba, a imaginé les différents types de vie que Jésus, de retour en ce début de siècle, pourrait mener, dénonçant la discrimination faite envers les personnes de peau noire et envers les plus défavorisés du sytème économique actuel. Elle a ouvert son défilé par une banderole appelant à la tolérance religieuse, derrière laquelle se tenaient différents représentants de cultes présents au Brésil (n´étaient pas parmi eux, bien sûr, ceux qui dénoncent, parfois avec véhémence, la réalisation du carnaval).
« Acadêmicos do Grande Rio », quant à elle, a conté l´histoire de Joãozinho da Gomeia, qui fut l´un des plus importants responsables de la religion afro-brésilienne Candomblé, homosexuel qui a lutté contre les préjugés sociaux et qui a aussi reçu dans son lieu de culte (« Terreiro », en portugais) de grands noms du monde politique et artistique. La bataille contre les discriminations des personnes LGBT + est aussi d´actualité au Brésil.
La « União da Ilha », qui a ouvert son défilé avec des enfants-comédiens-danseurs d´une étonnante agilité, a réfléchi sur les problèmes rencontrés par les couches les plus pauvres de la population, qui vivent à la périphérie des grandes villes, dans des favelas ou dans la rue.
Et l´École « Portela » nous a fait revivre les siècles d´Histoire des populations indiennes qui existaient avant l´arrivée des colons, exterminées, représentant aujourd´hui moins de 1 % de la totalité des brésiliens et quasi absentes de la scène politico-sociale.
Les costumes revêtus par les groupes de baianaises (« alas das Baianas »), entre autres,reflètent l´esprit créatif des stylistes et la dextérité des centaines de couturiers (ères) qui travaillent durant l´année à leur confection. Colorés, volumineux, soignés, parfois excentriques, les costumes de ces groupes, exclusivement constitués de femmes de tous âges (quel bonheur de voir tourner et virevolter des dames qui ont souvent de plus de 70 ans !), donnent au défilé une allégresse partagée par tous.
L´aquarium géant de l´École « Viradouro », qui accueillait une véritable actrice-sirène a époustoufflé le public. Le thème rendait hommage au courage et à la persévérance des femmes laveuses, vendeuses, éleveuses d´animaux de basse-cour et autres travaux, qui ont lutté pour leur liberté et leur émancipation (elles étaient des esclaves obligées de gagner de l´argent, ensuite reversé à leurs propriétaires). La Divinité de l´Amour et des Eaux, « Mère Oxum » protégeait ces femmes. Les maquillages de cette formation carnavalesque ont été également très remarqués.
Le défilé d´hier soir nous a permis de retrouver le bonheur, la joie et la passion exprimés sur les visages des milliers de participants de l´Avenue Sapucai, partagés par les milliers de spectateurs et les millions de télé-écrans-spectateurs. Bonheur d´être sur la scène durant une heure, entouré de camarades qui partagent le même amour de la Samba, de la fête et du carnaval.
La sirène a retenti sept fois et retentira ce soir six autres fois, pour la seconde soirée des Écoles du Groupe Spécial, qui concourent pour le titre de Meilleure École de Samba de l´année 2020.